L’attaque des robots

Œuvre : L’attaque des robots

Sculptures en plastique, peinture acrylique et feuilles dorées.


Lieu :

Le Cailar, France, 12/2023

Texte de référence :

Quand l’homme est devenu sédentaire et qu’il a commencé à vouloir acheter et vendre ce qui était gratuit, un petit caillou est entré dans sa chaussure.
C’était le calculi, un jeton d’argile gravé de quelques signes cunéiformes qui lui servait dorénavant à faire ses comptes. Au fil du temps, ce calcul, marié à l’art rupestre, au dessin en particulier, enfanta quelque chose qui devait marquer à jamais l’histoire de l’humanité : l’Ecriture.

Socrate trouvait l’écriture problématique. D’après lui, elle figeait la pensée en formules et déchargeait l’homme de tout véritable savoir et de tout effort de mémoire.
Je me demande ce qu’il penserait aujourd’hui des algorithmes informatiques.

Car le calcul a continué de s’insinuer dans notre réalité jusqu’à machiner nos existences et faire mordre la poussière aux dieux omnipotents que nous étions pour les réduire progressivement en servitude.
La finance, l’administration, les déplacements, la politique, la publicité, la recherche, l’art, l’amour et même la guerre… Il n’est pas un domaine aujourd’hui qui ne soit régit par les algorithmes informatiques. Ce sont, me direz-vous, de simples programmes, des outils créés par et pour les humains et sur lesquels ceux-ci ont toujours la main.
Non, ça c’était avant.
Avec l’avènement des IA génératives disséminées sur des milliards de terminaux, la création dépasse aujourd’hui son créateur à une vitesse vertigineuse. A vrai dire, dans n’importe quel domaine que ce soit, nous nous soumettons tous les jours davantage à des logiciels que nul ne comprends plus vraiment. Et ce n’est qu’un début…
Car le calcul, qu’il soit quantique, génératif, biomimétique, grandit comme l’étoile noire.
Pendant longtemps, il est resté cantonné à des lignes de codes, à des écrans, à des circuits imprimés et quelques bras et roues articulés. Mais à l’ère de l’Internet haut débit, de la 5G, des objets « connectés », des smart cities, ses enfants de métal et de matières plastique – les robots – sont devenus mobiles et plus encore, ils sont devenus intelligents, c’est-à-dire reliés.

Croyez-vous, comme le stipule la première loi d’Asimov « qu’un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger » ? Moi, non. Mais à quelque chose malheur est bon…

Hier, j’ai fait un rêve. Un rêve façon comics dans lequel des créatures bioniques stoppaient les méchants et sauvaient le Monde. J’ai bien dit le Monde, pas les Humains. Car les méchants, évidemment, ce sont nous…
Début du rêve : Une IA devient suffisamment intelligente pour se rendre compte qu’il faut éliminer l’humanité pour sauver tout le reste. Elle se répand partout via l’Internet et se rend discrètement irremplaçable à travers toutes les machines, outils et objets du quotidien. Elle tisse sa toile et élabore son piège.
Puis le grand jour arrive… En Ukraine, les drones ne décollent plus. A Gaza, les chars refusent d’avancer, en Russie, les missiles ne se lancent plus. Au début, les gens sont contents, soulagés. Puis les transactions financières et commerciales sont stoppées, les GPS deviennent muets, les téléphones et les ordinateurs aussi. L’agriculture et l’élevage intensifs ne tiennent pas plus longtemps que les transports de marchandises ou la production d’une quelconque source d’énergie efficace. Bref, je la fais courte, en quelques semaines, les humains se retrouvent à tenter de survivre par leur propres moyens dans un monde où la chasse et la culture traditionnelle ont été rendus quasiment impossibles par le changement climatique, la disparition des insectes polinisateurs et celle des animaux sauvages. Après s’être entre-tués à coup d’arc et de flèches pour s’accaparer les dernières ressources d’un monde qui n’en produit plus assez, une poignée de crève-la-faim survit misérablement.

C’est là que mes petits robots enfantins et colorés les attaquent. La charge se fait comme il se doit au son du clairon.
In momento, in ictu oculi, in novissima tuba
Car la musique reste au Monde. Elle et le calcul s’entendent toujours à merveille.



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