More is not enough
Œuvre : More is not enough
Installation bling bling modeste.
Lieu : Z.A.N Gallery et CRAC LRMP.
La Z.A.N est un lieu/projet de Florent Lamouroux, France, 2015.
Texte de référence :
Montpellier, 11 mars 2016.
L’art et l’argent.
Pour préparer mon exposition personnelle à la Z.A.N gallery, j’avoue ne pas avoir pensé au faux chèque dessiné en 1919 par Marcel Duchamp pour payer le dentiste Tzanck, tout au plus à la petite souris qui glisse nuitamment une pièce sous l’oreiller des enfants édentés.
Les Zones de sensibilité picturale immatérielle cédées par Yves Klein en 1959 contre un certain poids d’or ne m’ont pas non plus traversé l’esprit, même si je comptais bien utiliser à mon tour ce précieux matériau. J’ajoute pour faire bonne mesure que les travaux plus récents de Miguel Angel Rojas ou de Luz Forero ne me sont pas davantage revenus en mémoire, sans parler de la philosophie du respectable Georg Simmel…
Non, pour être complètement sincère, la pierre angulaire sinon philosophale qui soutien l’édifice conceptuel de ce projet est ma lecture critique des passages importants du magazine Mickey Parade où l’Oncle Picsou plonge avec délectation dans la mer de pièces entassées dans son coffre-fort gigantesque.
A bien y réfléchir, le marché de l’art est composé aujourd’hui d’une infinité de petites succursales mondialisées, de petits cubes blancs qui peuvent très bien s’envisager eux aussi comme de grandes tirelires où les multimillionnaires déverseraient leur trop plein de monnaie.
D’ailleurs, en anglais, tirelire se dit Piggy money, l’argent du cochon. J’ai eu un temps envie d’intituler ainsi l’exposition, mais j’avais trop peur d’outrager la réputation de ce paisible animal tant la pléonexie mortifère de certains dépasse aujourd’hui les limites de la common decency. More is not enough, telle est habituellement la ligne de conduite de ces Midas qui s’ignorent au point d’en oublier l’essentiel. Un jour, trop tard, ils se rendront compte, comme le roi mythologique, que l’or ne nourrit pas son homme. Ainsi va le monde – vers sa faim – tandis que s’entassent dans leurs tirelires géantes de dispendieux et grandiloquent objets de spéculations qui confirment tous les jours que la finance peut très bien prendre les formes de l’art, et qu’il n’y a rien comme le vice qui puisse se faire passer pour de la vertu.
En novembre 2013, le quotidien USA Today osait ce titre provocateur : « L’art est-il devenu une entreprise criminelle ? Comment le blanchiment d’argent sale fait atteindre au marché des prix stratosphériques ».
Certains observateurs avisés s’imaginèrent alors que le plus grand crime de l’art était de s’être tué lui-même dans cette overdose financière de douteuse provenance.
Je ne suis pas de cet avis. L’art n’est pas ce grand cadavre à la renverse pourrissant dans ses clinquants oripeaux. Aujourd’hui comme hier, cher Marcel, il est d’une vigoureuse simplicité mise à nue. Et il n’y a pas plus ambitieux, plus difficile que de faire simple. Il suffit parfois pour cela de regarder les choses sous un autre angle. More is not enough, car le trop prétentieux, trop vulgaire, trop blingbling n’est finalement pas assez.
Rester à sa petite échelle, produire des œuvres dignes d’intérêt avec trois bouts de ficelle, avoir le courage de l’autodérision, survivre en se tenant à l’écart du marché, réfléchir un peu avant d’agir.
Voilà en définitive à quoi j’ai bien pu penser en investissant la Z.A.N Gallery.
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